A propos du match contre Blaye, en 1913
Eric Lissague a remis à Didier Maumont une poésie sur le match qui opposa le Stade Foyen à l'équipe de Blaye, en 1913.
L'auteur de la poésie est Jane Etcheberry, qui épousa par la suite M. Lissague et devint la gran'mère d'Eric.
Voici cette poésie :
O Muse ! Prête-moi ta lyre,
Afin qu'en vers je puisse dire
La partie de championnat
Où le Stade Foyen succomba.
Quinze costauds venus de Blaye
Livrèrent soudain bataille
A l'équipe de Sainte-Foy
Qui devait leur manger les foies.
Pour relever tous les courages,
Sergenton fit d'nombreux placages,
Mais, quoique Paul se démenât,
Jamais, l'essai, il n'amena.
Baquet se mit bien en colère,
Grenouilleau fit trembler la terre,
Mais un Blayais avait bondi
Sur le ballon, malgré Dupuy.
Alors on vit spectacle horrible,
Blaye devenant terrible,
Marquer l'essai entr' les poteaux
Avec Duvergier sur le dos.
Depuis ce jour, depuis ce drame,
Le deuil est entré dans leur âme,
Entendez leurs lamentations
Sur la pert' de leurs illusions,
De profundis championnibus.
Il est marrant, ce texte ! A l'époque, le Stade Foyen avait de charmantes supportrices. Eric, permets-moi de présenter mademoiselle Etcheberry à nos lecteurs, avec cette photo d'elle prise en 1914 :
La poésie cite plusieur joueurs : Sergenton, Paul, Baquet, Grenouilleau, Dupuy, Duvergier.
Voici la photo de l'équipe de 1912. Il est probable que la plupart de ces joueurs se retrouvent dans l'équipe qui affronte Blaye l'année suivante.
Debout, à partir de la gauche : Grenouilleau, Noguès, Baquet, Castanet, Bouy, Laval, Constant, Duvergier, Favard, Bruère.
Accroupis , à partir de la gauche : Martineau, Blondy, Birbentz, Mériller, Gargou.
Dans la rangée du haut, Grenouilleau est le premier à gauche, Baquet le troisième, Duvergier le huitième.
Voici une autre photo de Duvergier. Il jouait deuxième ligne :
Et une photo d'Henri Dupuy :
Je n'ai pas de photo de Sergenton ni de Paul.
La Grande Guerre arriva. Les joueurs furent mobilisés. Il n'y eut plus de matchs.
A la suite de l'offensive allemande d'août à septembre 1914, une multitude d'hôpitaux temporaires furent organisés en France : les hôpitaux habituels ne pouvaient pas recevoir l'énorme afflux de soldats blessés.
Jane Etcheberry et sa mère servirent comme infirmières bénévoles à l'Hôpital temporaire n° 15 de Sainte-Foy, installé dans la salle du Casino Rey (actuelle chambre mortuaire Lavergne). Vous reconnaitrez facilement mademoiselle Etcheberry sur cette photo - la dame à côté d'elle est sa maman, j'ai failli écrire son chaperon :
Duvergier fut tué à Douaumont le 10 avril 1915. Six autres joueurs de l'équipe de 1913-1914 furent "tués à l'ennemi", selon la formule officielle de l'époque. Sergenton, Paul, Baquet, Auguste Grenouilleau, Henri Dupuy et le Stade Foyen survécurent.
Dans la saison qui suivit la fin de la guerre, en 1919-1920, le Stade Foyen fut finaliste du Championnat de France de 4ème série. Cette saison, les "Rouge et Noir" eurent la gnaque :
La Petite Gironde du samedi 13 septembre 1919. Savourez l'article : en deux phrases, il règle leur compte aux équipes de Castillon et d'Eymet. Et notez que le rugby s'appelle encore le "football rugby".
Sur un panneau de bois, un peintre inscrivit le nom des joueurs tombés au champ d'honneur, et on posa le panneau devant un gros cyprès, à Mourennes.
Sur cette photo, on aperçoit le panneau des morts du Stade Foyen, pendant la Première Guerre Mondiale, derrière Fernand Marbouty
Dans les années 1960, on enleva le panneau que les intempéries avaient rongé et le dimanche après-midi, dans les tribunes, il y avait encore beaucoup d'anciens de 14-18 qui avaient jadis lancé les offensives ou subi les revers avec Duvergier et les autres. Sur la pelouse des terrains et dans les tranchées. Après le match, ils en parlaient entre eux.
C'est pour toutes ces raisons que j'aime bien la poésie de Jane Etcheberry, avec ses vers un peu bancals, et que je la trouve émouvante.