1er bêtisier de la saison
Charles, Harold, Maxime, Pierre, ils ont tous eu le bac.
Normal, ils avaient étudié, révisé, ils avaient même réfléchi ! Ils n'en dormaient plus...
Fred avait adapté l'entraînement : "Tu as pris la balle, tu augmentes ta vitesse et ainsi, tu multiplies ton énergie cinétique. Guillaume, tu connais ton poids, tu cours à 10 km/h, quelle est ton énergie cinétique ?"
Guillaume calculait, donnait la bonne réponse et l'entraînement reprenait.
Ils en ont vu...
Le 21 avril dernier, j'avais tendu l'oreille. Et j'ai entendu :
Après l'entraînement, ils ont parlé des sujets du bac français.
- J'ai eu "Brise marine", a dit Faed.
- C'est un parfum bon marché ?
- Non, c'est le poème de Stéphane Mallarmé qui commence par
"La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres"...
- Ahhhhh...
Minot n'en perdait pas une.
- Moi, ça me fait penser à la dixième ode de Ronsard, a dit Maxime :
"J'ai l'esprit tout ennuyé
D'avoir trop étudié
Les phénomènes d'Arate ;
Il est temps que je m'ébatte
Et que j'aille aux champs jouer.
Bons Dieux ! qui voudrait louer
Ceux qui, collés sur un livre,
N'ont jamais souci de vivre ?"
Fred a pris la parole :
- Vous jouez aux champs, vous vivez, comme dit Ronsard, vous jouez au rugby au lieu de scotcher vos nez dans un livre. Ronsard, il a pressenti le rugby qui est apparu trois siècles plus tard.
- Ce vers de Mallarmé, on peut le rapprocher du début d'un poème de Sully Prudhomme, a dit Renaud :
"J’ai voulu tout aimer, et je suis malheureux,
Car j’ai de mes tourments multiplié les causes".
La discussion les élevait. Ils se sont mis debout.
- Je reviens à la "Brise marine", a dit Faed. Une "chair triste", ça veut rien dire. Ni pour toi, ni pour ton boucher. Et qui a lu tous les livres ? Pic de la Mirandole ou Jorge Luis Borges, avec sa "Bibliothèque de Babel" ? Personne. Personne n'a lu tous les livres. Pourtant, quand tu lis ce vers, "La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres", tu crées une image ou plutôt, un sentiment t'imprègne.
- Sur la création d'une image poétique, faut lire Gaston Bachelard, a dit Camille.
Comme c'était aussi profond que pertinent, on s'est recueilli pour éviter d'échapper des trucs.
- Brise marine, Brise marine ? ? ?... v'z'allez voir ce que Paul Valéry en fait, de votre brise marine, a dit Pierre Vircoulon qui avait pris un pét sur le nez et qui saignait plus :
"Le vent se lève! . . . il faut tenter de vivre!
L'air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!"
Et il a ajouté :
- Place au rugby !
C'était la bonne conclusion.
Le Résistant de Libourne a publié ce post. Un de mes amis l'a lu ; il est notaire à Périgueux et pince-sans-rire : "Dis donc, ils sont calés, vos Cadets !"
Oui.
Ils ont tous eu le bac !