Le temps des papas

Le 12 novembre dernier, Julien a écrit ce commentaire :

Gnaque

J'ai connu une époque, un joueur, comme André Turcki, dynamisait tous ses coéquipiers, et dynamitait ses adversaires, pensez-y, les gars !

Sud-Ouest, 29 janvier 1980, match retour contre Lavelanet, gagné par le Stade Foyen par 12 à 3.

Plusieurs Stadistes me disent que Julien doit avoir au moins la cinquantaine. Oui, ajoutent-ils, il a connu le temps des papas.

Le temps des papas ? On me cite des noms, et je demande des précisions. "Tu sais, il y avait des papas mais on n'en parlait pas".

"Un papa, dit Jean-Claude Rabouy, c'était un meneur, tout le monde l'écoutait, tout le monde le suivait, tu vas n'importe où avec lui. Il chargeait, et à l'époque, il n'y avait pas de carton". Ce qui nous ramène à une époque antérieure à 1992 : c'est à cette date que l'IRB a adopté les cartons de couleur.

Le compte-rendu du match contre Lavelanet, signé par Jean Lamothe, dans Sud-Ouest du 29 janvier 1980, donne une ambiance de l'époque :

" Les souvenirs encore frais d'un voyage à Lavelanet, qui ne fut pas une promenade bucolique, ont plané sur le match de dimanche. Si celui-ci ne dégénéra jamais, à l'exception d'une brêve échauffourée de la 61e minute, il contraignit M. Boutot, prévenu, à un arbitrage serré, imposé par les circonstances.

Equitable distribution avec 20 pénalités dans chaque camps. Sept tentatives pour Castay dont deux réussites, six tentatives et trois points seulement pour le redoutable Ferrand, battu ce dimanche.

En dépit de ces nombreux arrêts, le match ne manqua point pourtant de dimension grâce à l'art impérieux et conquérant du pack foyen, à l'ardeur défensive de son vis-à-vis, au génie de l'invention de l'ouvreur P. Décombe, passionné de rugby déployé, à la capacité d'utiliser le ballon montrée en fin de match par les lignes arrières ariégeoises...

Le Stade Foyen tient bien la route. La victoire en ce match volcanique rassure les plus inquiets et place sur l'orbite des qualifiés méritants nos promus qui prennent l'allure de briscards. Une pause pour marier Frégier, recevoir La Teste en amical puis... en route pour Mauléon ! Les Basques se méfieront sans doute..."

Jean-Pierre Ferraz a assisté à ce match, à Mourennes et se souvient : "Le match aller avait été épouvantable. Des bagarres, dans le public, avaient attisé les rancoeurs. Pour le match retour, à Mourennes, pendant que les joueurs de Lavelanet s'échauffaient, le public foyen les entourait et criait : on va vous crever, vous ne valez rien, on va vous foutre dans le ruisseau..."

40 pénalités dans un match, c'est tout dire. Dans ce contexte, se dressait la stature des papas, visible de loin. Notez la dernière phrase de l'article : "Les Basques se méfieront sans doute..."

Eric précise : "le papa dynamisait l'équipe, comme l'écrit Julien, et il la sécurisait".

Coco se souvient qu'avec Jacques Castay, tout le monde était motivé. "Un jour, on rencontrait Vergt, Jacques n'était pas là, c'est comme si on ne savait plus jouer. Hagetmau, ce fut pareil". Dans Sud-Ouest du 5 novembre 1979, à propos d'une défaite devant Orthez : "Castay, le capitaine foyen et botteur principal de la formation absent, le quinze d'Escouteloup est, on le sait, quelque peu orphelin et tout à fait désemparé". Jacques Castay n'était pas un "papa", mais un leader.

Le statut de papa a évolué avec les nouvelles règles, pour finir par disparaître.

Aujourd'hui, chaque joueur peut être le leader d'une action momentanée, et reçoit alors le soutien de ses coéquipiers. Le demi d'ouverture de l'équipe réserve en a donné plusieurs exemples, dimanche dernier, contre Malemort. Chaque match révèle une succession de leaders dont le rôle est de fournir à leurs coéquipiers une tactique payante.

Le temps des papas est révolu.