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La saison 2012-2013 du Stade Foyen
25 novembre 2009

Le Pelousard des années 1970, par Marie-Claude Besse

Texte écrit par Marie-Claude Besse, vers 1970 « à la manière de

La Bruyère

, s’il avait connu le rugby.

Le Pelousard

Regardez-le : confortablement accoudé à la main-courante, il suit des yeux le déroulement de la partie. Il a « sa » place, à quelques centimètres près toujours la même, du début à la fin de la saison, et d’une saison à l’autre. Celui qui le chercherait n’aurait aucun mal à le trouver, fidèle à « son » poste, chaque dimanche.

Reste-t-il pour autant immobile ? Ne le croyez pas. Pour vous en convaincre, ne le quittez pas des yeux et soyez attentif : car il bouge, il bouge même beaucoup bien que restant sur place.

gaston

Que les joueurs arrivent à proximité et vous le voyez se transformer en un instant. Il se redresse, cramponne la barre, la frappe, s’y retient, y grimpe même parfois, pour donner – du moins le croit-il – plus de force à ses encouragements : il interpelle les joueurs par leur nom ou leur surnom (ne les connaît-il pas mieux que les autres ?), les stimule de la voix et du geste, il en est persuadé.

Qu’une action vienne à échouer, qu’une maladresse soit commise, qu’en exploit soit réalisé, qu’un essai soit marqué, qu’une transformation ou une pénalité soit réussie, il n’est nullement étonné. Au reste, rien ne l’étonne : il le savait, il l’avait senti, il ne pouvait en être autrement. Il les connaît si bien, « ses » joueurs, qu’il peur prévoir – au moment où ils se réalisent, bien sûr – chaque geste, chaque mouvement, chaque action.

3

N’espérez pas l’impartialité du vrai pelousard et soyez persuadé qu’il possède un bon sens et une logique qui n’appartiennent qu’à lui et qui n’ont rien à voir avec le bon sens commun et la logique pure.

Qu’un ennemi, pardon, un supporter adverse, vienne à critiquer « son » équipe et vous le voyez s’enflammer, gesticulant, hors de lui (et même parfois, hors de sa place) à l’idée qu’on puisse mettre en doute les qualités des « rouge et noir ». Rien ne le scandalise davantage que d’entendre des propos critiques, même et surtout si lui-même était sur le point de les émettre. Aussitôt, il oublie – provisoirement – son propre mécontentement pour prendre, avec virulence, la défense des accusés. Il trouve des excuses, au besoin en invente avec la plus mauvaise foi possible. Sans la moindre trace d’égoïsme, il fait partager aux autres la science qu’il possède de ce sport, estimant, jugeant même et donnant toutes les explications qu’il suppose nécessaires pour que tous, autour de lui, soient à même de comprendre ce qui se passe sur le terrain et dans la tête des joueurs.

Et s’il y a lieu de critiquer, lui seul y est autorisé, pas les autres. Tout en demeurant vertueux, il peut être insupportable (ce qui est le comble pour un supporter)… particulièrement pour l’arbitre qui ne trouve que très rarement grâce à ses yeux.

mourennes_83_1

Joue-t-on à l’extérieur ? Il arbitre « à la maison » (cela n’arrive bien sûr jamais à Mourennes, où les matches ne sont gagnés que par la valeur du jeu produit). L’arbitre accorde-t-il une pénalité (toujours bien placée, cela va de soi) aux adversaires ? Il a été acheté. Néglige-t-il de sanctionner une de leurs fautes : il a besoin de lunettes. Soit dit en passant, les arbitres se porteraient bien de suivre les conseils « médicaux » qui leurs sont prodigués depuis la touche.

Et le bon pelousard, en bon supporter, en profitera pour faire la preuve de la richesse de son vocabulaire puisqu’on lui en fournit l’occasion.

mourennes_83__2

Il est une seconde catégorie de pelousards qu’on pourrait qualifier de « mobiles ». Dans l’ensemble, leur comportement diffère peu de celui des précédents, mais la différence tient au fait qu’ils circulent beaucoup plus.

Un certain nombre d’entre eux se déshydratent très rapidement, ce qui les oblige à de constantes allées et venues vers la buvette. Bouteille en main, ils se rapprochent du terrain dès qu’un bruit de foule leur indique qu’ils se passe quelque chose d’intéressant. N’ayant pas toujours vu ce qui motive cris ou applaudissements, ils ne tardent pourtant pas à prendre parti – devinez pour quelle équipe ou contre quel arbitre ? – et ce ne sont pas forcément les plus virulents.

Le jeu se déroule-t-il vers l’autre bout du terrain ? Il n’hésite pas à se déplacer également, quoique légèrement en retard.

Ne lui parlez pas de rester là où il est, n’essayez pas de le retenir, ni de lui parler : vos paroles ne l’atteignent pas. Il faut qu’il bouge, qu’il participe enfin ! Il marche, il irait même jusqu’à courir s’il le jugeait nécessaire… et s’il ne risquait pas de répandre sa boisson. C’est sa manière à lui d’être sportif. On n’est pas sur un stade le Dimanche pour se reposer !

C’est à ce moment précis que notre pelousard redevient parmi les supporters, presque anonyme.

Tournant le dos au terrain maintenant désert, où Adamo, moissonnant lezs drapeaux de touche, fait partie du décor, il regarde le flot des spectateurs dont se vident les tribunes, il cherche, il trouve enfin celui avec lequel il va pouvoir refaire le match (et éventuellement le gagner si cela n’a pas été fait par les joueurs), à grands coups de « si » et de conjugaisons typiquement rugbystiques, tout supporter – et tout joueur – qui se respecte maniant avec aisance le présent du conditionnel.

adamo

Comment voulez-vous, que dans un tel milieu, ayant, par la puissance des mots (dans tous les sens du terme) trouvé un nouveau sens aux relations humaines, un non-initié, tard arrivé dans ce monde si particulier, ne devienne pas à son tour un supporter assidu et un supporter inconditionnel, pelousard ou non, de ce qui, semaine après semaine, devient inévitablement « son » équipe ?

mourennes_1

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