A la vitre ! ! !

Allons à l'essentiel : "aller à la vitre" est un rite d'intégration dans l'équipe.

Les sociétés traditionnelles accomplissaient des rites analogues. Par exemple, les Indiens Mandans. En 1832, M. C. Catlin visita "l'unique village où ils vivaient, réunis au nombre de deux ou trois mille âmes, sur la rive gauche du Missouri, à six cents lieues environ de la ville de Saint-Louis".

Il a décrit l'initiation des jeunes gens : "On les soumettait à une longue abstinence et à de terribles tortures, qui, disait-on, fortifiaient leurs muscles et les préparaient aux souffrances des plus dures. Les chefs, spectateurs de la scène, jugeaient des forces restectives des néophytes et de leur aptitude à supporter les privations et les supplices, si souvent le lot du guerrier indien. Ils savaient désormais à quoi s'en tenir sur chacun d'eux, et, dans un suprême danger, pouvaient remettre au plus digne le commandement de leurs bandes".

Ne poussons pas trop loin la comparaison : les jeunes rugbymen ne subissent pas plusieurs jours d'abstinence sans sommeil et ils ne sont pas torturés. Dans le car, leurs copains se contentent de les boxer jusqu'à ce qu'ils touchent la vitre arrière.

 

Les enjeux sont différents : la cohésion dynamique d'une équipe de rugby d'une part, la vie et la survie d'une tribu indienne d'autre part. Autre différence : l'initiation des jeunes indiens les relie aux grands ancêtres et aux principes de leur cosmogonie.

La méthode est de même nature : épreuves imposées par ses propres amis. Une différence : épreuves bon enfant pour les rugbymen, d'une sévérité extrême pour les jeunes indiens.

J'ai déjà indiqué le but, identique dans les deux cas : l'intégration dans le groupe. Chez les rugbymen, les joueurs organisent et supervisent le rite. Ils voient ainsi les réactions de chaque candidat. L'un fonce en ouvrant sa route par le moulinet de ses poings, l'autre bondit par dessus la muraille humaine qui le sépare de la vitre, etc., chacun surmonte l'épreuve à sa façon. Pour le plus grand plaisir de tous, lui compris.

Conclusions :

1 - Les rugbymen ont retrouvé un rite traditionnel qu'ils ont adapté à leur sport de combat.

2 - Ce qui montre que le rite précède le mythe. Ceux qui s'intéressent à ce sujet liront le livre de Jean-Jacques Walter paru chez Denoël/Gonthier en 1977 : "Psychanalyse des rites, la face cachée de l'histoire des hommes".

J'ai présenté quelques photos du rite chez les rugbymen. On constate la pagaille, le bruit manque, hélas, et on voit mal les coups de poing et les grandes claques généreusement donnés au candidat. On n'entend pas non plus les rires, mais on constate que l'ambiance est bon enfant.

Pour le rite des Indiens, voici un dessin d'Alphonse de Neuville d'après un croquis que fit M. Catlin en 1832 :

Ce niveau de violence extrême correspondait à des situations que l'Indien rencontrerait un jour ou l'autre dans sa vie.

Cette scène vous rappelle peut-être un dessin figurant dans "Jonathan Cartland, le fantome de Wah-Kee", de Laurence Harle et M. Blanc-Dumont, paru en 1977. Blanc-Dumont a reproduit le dessin d'Alphonse de Neuville presque à l'identique.

 

Le reportage de M. Catlin a été publié dans "Le Tour du Monde", en 1869, deuxième semestre, pp. 145 à 175, avec de nombreuses gravures et le détail des épreuves subies par les initiés.

Un chef indien de jadis

Deux entraîneurs d'aujourd'hui

"A la vitre" est une pratique extraordinaire. J'espère vous en avoir montré les raisons.

Comments

[Sophia]

Je suis témoin, pour ce qui concerne le sommeil, que certains s'en sont volontairement privé cet été : je puis ainsi assurer que ces jeunes gens font montre d'un investissement extrême même pendant leurs vacances !!! It's a joke !!! Quel dommage de n'avoir pu assister à ce rite "Aller à la vitre" que je découvre en lisant cette page. Tout cela est fort instructif. Pitié ! Messieurs les entraîneurs ne prenez pas modèle sur les Indiens... An other joke !!! Merci Jean pour toutes tes informations, tes photos et images...

[Mr Ness]

ah ben il va falloir qu'il te fasse plaisir les minots alors... j'en cause au coach

[Jean]

Non, Jérémy, et heureusement, j'y aurais laissé les lunettes et l'appareil photo. Mais ce serait un très grand honneur !

[Mr Ness]

Dis donc Jean, ils ont pas eu l'idée de t'intégrer????